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Comptes publics : quand la controverse sur les chiffres renvoie aussi à l’ère Abdou Diouf

Alors que le débat sur la dette cachée et la sincérité des comptes publics occupe le devant de la scène politique sénégalaise, des travaux universitaires rappellent que les pratiques de dissimulation d’indicateurs économiques ne sont pas nouvelles. Dès les années 1980, sous la présidence d’Abdou Diouf, des critiques similaires avaient été formulées par les bailleurs de fonds internationaux.
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Depuis plusieurs mois, la question de la dette publique et de la fiabilité des chiffres transmis aux partenaires internationaux alimente une vive controverse au Sénégal. L’ancien régime de Macky Sall est accusé par les nouvelles autorités d’avoir sous-évalué certains indicateurs, notamment dans ses échanges avec le Fonds monétaire international (FMI). Une situation qui, à bien des égards, fait écho à des épisodes antérieurs de l’histoire économique du pays. Dans leur ouvrage La construction de l’État au Sénégal, publié en 2002, les chercheurs Donald Cruise O’Brien, Momar-Coumba Diop et Mamadou Diouf reviennent sur la gestion des finances publiques durant les années 1980 et au début des années 1990, sous la présidence d’Abdou Diouf. Les auteurs y analysent la mise en œuvre d’un programme d’ajustement des comptes publics négocié avec les bailleurs de fonds internationaux sur la période 1985-1992.

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Selon cet ouvrage de référence, la Banque mondiale avait progressivement reproché aux autorités sénégalaises de l’époque un manque de volonté réelle dans l’application des réformes, privilégiant davantage l’apparence des ajustements que leur contenu. Les auteurs évoquent notamment « des stratégies de maquillage et de dissimulation de certains indicateurs économiques », qui auraient permis à l’État sénégalais d’accéder à des financements extérieurs sans respecter pleinement les engagements jugés les plus contraignants. Toujours selon cette source académique, ces pratiques ont fortement dégradé l’image du Sénégal auprès des bailleurs de fonds au début des années 1990. Le pays était alors décrit dans certains rapports comme un État au fonctionnement coûteux, marqué par une mauvaise gestion des ressources publiques et un train de vie jugé excessif.

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Cette situation avait conduit à une détérioration des relations entre le régime d’Abdou Diouf et la Banque mondiale, avant l’adoption, à partir de 1993, de mesures économiques particulièrement rigoureuses. Parmi elles figurait le plan Sakho-Loum, du nom des ministres en charge des Finances et du Budget, qui s’était notamment traduit par une baisse des salaires des fonctionnaires. Aujourd’hui, alors que les relations entre le Sénégal et le FMI traversent une nouvelle zone de turbulences, certains observateurs estiment que l’histoire tend à se répéter. La différence majeure réside toutefois dans le contexte politique : les accusations actuelles émanent du régime issu de Pastef, qui a succédé à celui de l’APR, et ont été en partie corroborées par le FMI lui-même. À ce stade, aucun accord n’a encore été trouvé avec l’institution financière internationale.

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