Sénégal : les écarts de l'imam du président [Opinion du Contributeur]

Dans une démocratie, on doit permettre à tout le monde- y compris les imams - d’exercer leur liberté de conscience, leur liberté tout court. Mais ceux qui « jettent leurs grains de sel » aussi peuvent s’attendre à des réactions suscitées par leur prise de position. C’est le cas avec El hadji Pape Alioune Samb.

Macky Sall après la prière de Korité

L’Imam ratib de la Grande Mosquée de Dakar, censé être un défenseur de l’éthique, ne peut pas parler au nom de Dieu et faire l’apologie du « wax waxeet » abject, comme c’était le cas quand il s’agissait de débattre sur la possibilité de réduction ou non de la durée du premier mandat de 7 ans de Macky Sall. Il avait passé à côté de son sujet en demandant à Sall de renoncer à son engagement. Samedi, après la prière de la Korité, son prêche devant le président de la République et les membres du gouvernement sonne comme une répétition d’un discours déjà entendu. Il met en exergue des arguments fallacieux pour non seulement vitupérer les manifestations mais surtout pour exclure toute compétition électorale.

Car, si on comprend bien l’imam, ce n’est plus la peine d’organiser un scrutin présidentiel, il faut juste choisir un dirigeant qui ne demande même pas à être choisi. Faire campagne, solliciter le suffrage des citoyens seraient à ses yeux, mal vus. Des actes qui porteraient à croire que l’homme politique qui est dans cette posture ne serait pas digne de confiance. Mieux vaut argue Samb, rester tranquille en attendant qu’on vous confie le pouvoir.

Encore un grand écart de l’imam de la Grande Mosquée. Celui-ci est aussi l’imam de toute la société au-delà de la respectable communauté léboue. Apparemment, Samb ne sait pas qu’il pèse plus lourd que le président de la République qu’il soutient et conseille si maladroitement. Ses propos de tous les jours doivent être en conformité avec les préceptes de sa religion et les bons usages de notre culture, notre culture démocratique qu'il veut enfoncer davantage pour des raisons inavouées. Pourtant, en tant qu’Imam, il peut bien participer au débat public avec des arguments raisonnables qui ne sortent pas de l’ordinaire. Samb a pris la responsabilité de faire fie de la démocratie, « le moins pire des systèmes ». Sa préférence est loufoque. C’est une véritable négation du « gouvernement du peuple ». Mais à y regarder de près, il n’a fait que suivre un cheminement qui épouse ses intérêts du moment.

Justice pour tous

Les sujets brûlants ne manquent pas à tout imam vraiment préoccupé par le bien-être des Sénégalais. Dans un contexte où Dame Justice est d’une laideur et d’une infirmité sans commune mesure, il serait trop flagrant et trop risqué de poursuivre les arrestations ciblées de membres de l’opposition notamment de Pastef. L'imam Samb n’est pas intéressé par cette actualité. Il prédit même la géhenne pour les victimes des protestations. Le président de la République interrogée sur la Radio Futurs Médias (Rfm) a voulu minimiser les choses. Apparemment, il ne compte pas reculer même s’il entre-ouvre les portes d’un dialogue qu’il avait brièvement annoncé le 3 avril dernier à la veille de la fête de l’indépendance. Les préalables de ce dialogue seraient une libération de beaucoup de Sénégalais militants de Pastef arrêtés notamment pour des délits d’opinion ou à la suite de manifestations.

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Il peut y avoir des excès dans les actes que posent certains, des infractions peuvent être notées, des manifestations interdites bravées, des casses inacceptables. Mais cette débauche d’énergie extraordinaire à vouloir casser de l'opposant, cache mal un ignoble règlement de comptes. Manifestement, les autorités ne sont pas seulement guidées par le noble principe de la sécurité nationale et de la protection des personnes et des biens. Il y a tellement de priorités ailleurs. Tellement de chats à fouetter. Car, au-delà de la traque aux biens mal acquis mal menée, faite avec parcimonie et abandonnée, des dossiers ont été « mis sous le coude » de l’aveu même du chef de l’État. De gros voleurs se sont mis à l’abri en rejoignant le camp présidentiel. L’élan de l’Office national de lutte contre la corruption, « fait pour les gestionnaires actuels », a été brisé quand sa patronne d’alors a épinglé en plein jour des responsables de premier plan du parti au pouvoir. Les corps de contrôle sont strictement contrôlés. Ils sont fortement remis en cause par des délinquants audacieux avec la bénédiction de leur mentor.

La logique et l’honnêteté voudraient que la Justice soit de rigueur pour tous. Hélas, la face hideuse que montre la justice participe grandement à ternir davantage sa réputation déjà répugnante. Dame Justice donne l’impression qu’elle agit sous les ordres. Une perception largement partagée.

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