Verdict de Ziguinchor : le début de quelque chose

Le représentant d’Ousmane Sonko devrait être en mesure de récupérer ses fiches pour les parrainages en vue de la présidentielle du 25 février 2024. La Justice n'a pas suivi la logique du ministère de l'Intérieur. Et cela, devrait entrer dans le cadre de la normalité républicaine.

Tribunal de Ziguinchor

Hélas ici, les trains qui arrivent à l’heure sont si rares aujourd’hui qu'ils deviennent une information de taille. Si un juge qui donne raison à un opposant est célébré et porté en triomphe, c'est qu'il y a une maldonne démocratique.

Le magistrat Sabassy Faye du tribunal de Ziguinchor qui a dit non à la Direction générale des Élections (Dge) dans sa décision de refuser à Ousmane Sonko de retirer ses fiches de parrainage prétextant qu'il ne figure plus sur les listes électorales, n'a fait que son travail. En son âme et conscience.

Il a abondé dans le même sens que la Procureure générale de la Cour Suprême Mariéme Diop Gueye qui avait clairement indiqué qu' « il y a violation fondamentale du droit de Monsieur Ousmane Sonko » et qu’il faudrait « faire cesser cette violation ».

« Vous avez radié en faisant état de la contumace à tort. L’article 29 que vous évoquez fait référence à l’inscription sur les listes électorales et non à la radiation. Celle-ci est faite par une commission administrative », avait-elle argué. Ce qui n’avait pas empêché le juge de maintenir Sonko dans son « inéligibilité » même s’il avait estimé recevable la requête sur la forme.

L’abnégation des avocats de l’opposant numéro 1 du Président Macky Sall a payé dans le sud du pays. En plus d’avoir gagné un procès, ils permettent à leur client d’avoir encore plus une assise médiatique aussi bien nationale qu’internationale.

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Les travers de l’Agent judiciaire de l’État qui promet de « casser » la décision d’un juge jugé rebelle ne fait que conforter ceux qui sont convaincus que le seul objectif des tenants du pouvoir est de barrer la route à Sonko pour février 2024. Et cette flagrance va continuer d’arroser la colère qui peut encore se déverser dans les rues ou dans les urnes.

Le communiqué de l’Union des Magistrats du Sénégal (Ums) qui fustige la démarche de l’État est un tournant important dans un contexte sensible pré-électoral. C'est en de pareilles circonstances qu'on se rend compte qu'une justice indépendante qui n'est pas inféodée au pouvoir, est d'une importance capitale pour tous, a-t-on l'habitude de dire. Dommage, la justice sénégalaise s'est beaucoup discréditée. Elle donne l'impression de ne pas être équitable, de ne pas être indépendante. Voilà, Dame Justice défigurée, si moche, est exposée.

La décision de Ziguinchor peut bien être le début de quelque chose de bien pour la démocratie. Une bonne partie de la justice sénégalaise est consciente de la décrépitude de leur secteur. Un mal qui tire son origine du système durablement implanté et des hommes qui le font marcher. Dans un contexte où la Justice est d’une laideur et d’une infirmité sans commune mesure, il serait trop flagrant et trop risqué de lui faire faire des choses qui la rendent plus moche. Les tentations d'affranchissement sont visibles.

Cette débauche d’énergie extraordinaire à vouloir enfoncer un adversaire sérieux cache mal un ignoble règlement de comptes. Manifestement, les autorités ne sont pas seulement guidées par le noble principe de la transparence et d’une élection inclusive.

Et puis, au-delà des questions électoralistes, de nombreux dossiers ont été «mis sous le coude» de l’aveu même du chef de l’État. De gros voleurs se sont mis à l’abri en rejoignant le camp présidentiel.

L’élan de l’Office national de lutte contre la corruption (Ofnac) «fait pour les gestionnaires actuels», a été brisé quand sa patronne d’alors Nafi Ngom a épinglé en plein jour des responsables de premier plan du parti au pouvoir. Les corps de contrôle sont strictement contrôlés. Ils sont fortement remis en cause par des délinquants audacieux avec sans doute, la bénédiction de leur mentor.

Le dernier rapport de la Cour des Comptes sur la gestion de la Covid-19 est là pour prouver un tel constat.

Par Mame Gor NGOM, journaliste

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