Les limites d’une autonomie de Touba

Le khalife des Mourides, Serigne Mountakha Mbacké a souhaité une autonomie de la cité religieuse de Touba, à l’instar du Vatican. Un souhait qui présente des limites....

Serigne Mountakha Bassirou Mbacké

Créée en 1887 par le fondateur du mouridisme, Touba a obtenu son statut particulier par décision du 17 septembre 1928 de l’autorité coloniale. Aujourd’hui, sous l’autorité du Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, la cité de Bamba réclame son «autonomie».

L’enseignant-chercheur au département de Géographie de l’Ucad, Mame Cheikh Ngom, interrogé par L’Observateur explique les limites d’une telle mesure.

D'abord il reconnait que si le Khalife décide d’une autonomie au plan administratif et politique, il est dans ses droits. Touba a donc un statut spécial. Le Titre foncier de Touba constitue l’instrument juridique de sécurisation de la propriété issue du « droit de hache » que détient collectivement la famille du Cheikh depuis 1887, année de création de la cité de Bamba, a justifié le Maître de conférences titulaire, spécialiste des questions d'aménagement du territoire, de décentralisation, de gouvernance, de gestion foncière et de planification (rural et urbain).

L’acte décisif pour la légitimation juridique de ce statut particulier fut la décision du 17 septembre 1928 de l’autorité coloniale d’accorder au premier Khalife des Mourides, Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké. D’abord, c’était un bail dit de longue durée pour une période de 50 ans et concernant un terrain rural ayant la forme d’un carré parfait d’une superficie de 400 hectares sis sur la route allant de Mbacké à Sagata à une distance d’environ 8,5 km de Mbacké.

Ensuite, il est immatriculé au nom de l’Etat colonial, puis sénégalais, sous le numéro 528, établi le 11 août 1930 sur réquisition du Gouverneur général de l’Afrique occidentale française (Aof) et est conservé au Service des Domaines de Diourbel. Le Titre foncier a par la suite été modifié, suivant arrêté N° 06553 du ministre d’Etat chargé des finances et des affaires économiques, du 26 juin 1975. Une troisième étape élargira les limites du titre foncier de Touba à 30 000 ha en 2005.

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Le pouvoir foncier du Khalife général des Mourides se fonde ainsi sur le Titre foncier-mère qui est la première base juridique officielle de sa légitimité sur le sol de Touba. Le Titre foncier de Touba, comme tous les autres, relève du droit de propriété et est à l’origine, l’on peut dire, de la reconnaissance par l’Etat d’un statut particulier de facto.

Maintenant, parallèlement au statut spécial, si le patriarche de Touba en décide d’une autonomie au plan administratif et politique, il est dans ses droits pour mieux contrôler son territoire. Le Khalife général des Mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké est vraiment dans ses droits parce que Touba est un titre foncier.

Et avant chaque titre foncier, il y a un acte de cession, c’est amputé du patrimoine de l’Etat. Par contre si ce n’était pas un territoire privé, il allait faire partie du domaine national, le marabout ne pourrait pas imposer un code de conduite. Touba c’est comme une maison, le propriétaire peut déterminer son organisation et son fonctionnement».

«Touba peut être autonome, mais ne peut pas être indépendant»

Cependant, Pr Mame Cheikh Ngom prévient que cette autonomie à des limites et là où ça causerait problème c’est quand Touba avait demandé son indépendance. « Touba peut être autonome, mais ne peut pas être indépendant. Parce que être indépendant, c’est avoir son armée, son gouvernement et ses institutions. Si c’était le cas cela pouvait poser problème. Mais, Touba peut avoir un statut spécial avec un traitement particulier sans causer aucun problème sur l’organisation du territoire national. Il peut bénéficier de tous les services de l’Etat parce qu’il fait partie du territoire national », explique le Maître de conférences titulaire, spécialiste des questions d'aménagement du territoire.

Non sans préciser qu’il y a une grande différence entre l’autonomie et l’indépendance. Mame Cheikh Ngom ajoute : «C’est vrai que le Khalife prend comme exemple Rome et le Vatican, et là on peut penser à l’indépendance, mais en réalité il ne parle pas d’indépendance comme le Mfdc (Mouvement des forces démocratiques de la Casamance). C’est le Mfdc qui réclame son indépendance. Si Touba était dans cette logique, cela voudrait dire qu’il serait amputé complétement du territoire national. Mais il n’en est pas question pour Touba. Touba demande une autonomie par rapport à l’organisation et au fonctionnement interne. Et ce n’est pas la première que la capitale du mouridisme demande son autonomie. Aujourd’hui, Touba est une collectivité territoriale et ce statut permet à l’Etat de justifier ses investissements dans la ville. Donc le statut d’autonomie peut être discuté de commun accord entre le Khalife et l’Etat par rapport à la décentralisation. Si cette autonomie était acquise, elle n’empêcherait pas à Touba de garder son statut de collectivité territoriale».

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